Au début de la Seconde Guerre mondiale, Gustave Miklos reçoit un ordre de réquisition qui l’envoie à Oyonnax dans le Haut-Jura, pour y occuper le poste de professeur d'art auxiliaire à l’École nationale des plastiques de France (devenu plus tard le lycée Paul Painlevé).
La région accueillait alors les grandes entreprises spécialisées dans la production et la transformation d’une matière plastique appelé le celluloïd. Oyonnax était surnommée la capitale du plastique.
Un de ses anciens élèves et ami de toujours se souvient de lui. Nous avons recueilli son témoignage.
« J’ai eu la chance d'être à cette époque l'un de ses élèves, puis de rester ami avec lui et son épouse jusqu'à leur disparition. Cette amitié a été pour moi une grande chance qui m'a rendu sensible à l’art dans ma vie personnelle et professionnelle. Gustave Miklos était un professeur « hors normes », car n'ayant pas suivi de formation d'enseignement.
Pour lui, l’art n'était pas seulement une matière que l'on devait travailler pour être meilleur en dessin par exemple, mais que c'était un domaine qui pouvait aider à vivre et ressentir du bonheur.
En dehors de l'enseignement du dessin et de la peinture, Miklos voulait enseigner à tous ses élèves, qu'ils soient doués ou pas, que l'art pouvait aider à vivre lorsque l'on avait le souci de chercher le « beau » et le bon.
Il enseignait que tout autour de soi, on pouvait observer des merveilles, qu'il suffisait d'être à la recherche dans tout son environnement. Aussi, il nous racontait des histoires personnelles.
Pour lui, le « beau » peut se rencontrer dans l'art mais aussi dans la nature, dans la société, dans l'industrie, dans l'architecture, la mode, les animaux, les oiseaux etc. Il suffit d'ouvrir les yeux… Il pouvait nous faire remarquer le beau dans une feuille de platane avec ses courbes, ses droites, ses formes, ses couleurs d’automne.
Il nous montrait aussi que dans l'industrie automobile, on pouvait aussi rechercher l'esthétique, lui qui avait connu « les taxis de la Marne » pendant la Guerre de 14 (véhicule dont la cabine ressemblait à un piano droit). Il avait créé une forme aérodynamique qu'il appelait son « bolide ».
Il préparait aussi ses élèves à l'utilisation du beau dans l'industrie du plastique, il créa entre autres un jeu d'échecs remarquable.
D'origine hongroise, il fut engagé volontaire dans l’Armée d'Orient, il mit à profit ces années passées là-bas ; c'est ainsi qu'il pu nous raconter l'impression qu'il ressentit devant le Parthénon en nous expliquant pourquoi les colonnes aux deux extrémités du fronton étaient moins hautes afin de corriger la déformation effectuée par l’œil qui lui est rond. Il nous parlait aussi du nombre d'or « Phi ».
Enfin pour finir, une petite histoire qu'il nous avait racontée : se promenant dans la forêt derrière le lycée, il s'assit sur une souche pour se reposer. Soudain, une petite souris grise vint vers lui et mit ses deux pattes avant sur sa chaussure ; il la contempla et lui parla gentiment. La petite bête le regarda avec ses petits yeux ronds et noirs, puis redescendit ses pattes et continua son chemin tranquillement.
Miklos voulait par cette histoire nous montrer que le beau ne se découvre pas seulement au château de Versailles ou devant le Parthénon, mais que l'on peut rencontrer le beau même dans les choses les plus simples, il suffit d'être motivé et d'ouvrir les yeux.
Miklos fut un professeur adoré, même par les derniers de la classe. Un ancien camarade devenu expert-comptable à Lyon me racontait : « je suis probablement toujours aussi nul en dessin ou peinture, mais Miklos m'a donné l'envie de rechercher le beau, et c'est ainsi que j'ai depuis toujours du plaisir à fréquenter les musées, les expositions, et à regarder la nature. Je dois un grand merci à Gustave Miklos ».
Mais la vie n'est pas toujours belle, et Miklos en a eu encore la preuve, lorsqu’en juin 1951, il fut remercié par le Ministère de l’Éducation, parce qu'il n'était pas diplômé d'État. Miklos chercha à se produire dans certains secteurs de l'industrie plastique d’Oyonnax, mais cela n'était pas le souci des industriels.
Retourner à Paris était impossible, ses clients, la société, le monde avait changé. Miklos eut une fin de carrière très difficile, heureusement soutenu par son épouse Marie-Louise qui avait pour lui beaucoup d'admiration et d'affection.
Quelques temps après son décès, Marie-Louise, consciente de la responsabilité envers toutes les œuvres qu'ils avaient dans leur maison, essaya de trouver une suite honorable à cet héritage, mais cela ne fut pas le cas et c’est une autre histoire.
Je dois beaucoup à Gustave Miklos et je lui serai éternellement reconnaissant ».
Auteur :
M.B.
Le Comité Gustave Miklos remercie très sincèrement l'auteur d'avoir eu la gentillesse de partager ses souvenirs de Gustave Miklos, dont il fut l'élève, mais aussi et surtout un ami sincère et profondément dévoué.