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Alexandra Jaffré

Contrefaçons et faux d’après Gustave Miklos

Dernière mise à jour : 4 juil.

À pigeon, pigeon et demi ? Des céramiques à fuir…


Attention aux fausses céramiques en circulation sur les plateformes en ligne, chez des antiquaires et en ventes publiques. Elles ne sont pas de la main de l'artiste Gustave Miklos. Elles n'ont aucune valeur financière.


Le Comité Gustave Miklos, détenteur du droit moral de l’artiste, défend l’intégrité et le respect de l’œuvre de Gustave Miklos. Il informe gracieusement les professionnels et particuliers sur le caractère authentique ou non des œuvres de Gustave Miklos et délivre les certificats d’authenticité. Il est habilité à utiliser la procédure de saisie-contrefaçon lorsqu’il a connaissance d’une atteinte au droit moral de l’artiste.


À gauche : Oiseau Siffleur en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. H : 83 cm © Christie’s Paris. À droite : Faux moderne en céramique craquelée. H : 37 cm © D.R. [NdA : pour toutes les photographies ici reproduites, les rapports de proportions ne sont pas respectés pour permettre au lecteur une meilleure comparaison visuelle]


Une céramique craquelée de Miklos à un prix abordable ?

À défaut de s’offrir un bronze d’époque original hors de portée financière, peut-on se laisser séduire par ce genre de céramique vendue comme une œuvre de ou d’après Gustave Miklos ? Mieux vaut éviter… Ces objets sont des contrefaçons ou des faux, véritables fléaux qui gangrènent le marché de l’art en semant doutes et illusions chez les amateurs au détriment des pièces authentiques et de qualité.

Contrefaçons et faux en céramique rattachés au nom de Gustave Miklos

Les craquelés Art Déco sont aujourd’hui recherchés par les collectionneurs. Dans les années 1930, de nombreuses fabriques et ateliers* s’attachaient le talent d’artistes pour offrir à leurs clients une production originale de céramiques décoratives. Gustave Miklos était-il un de ces créateurs ?


Dans le fonds d’archives conservé par la veuve de Gustave Miklos, nous n’avons retrouvé ni documents attestant de projets pour des éditions en céramique, ni trace de contrat de reproduction avec des faïenciers, signé par lui-même ou sa veuve.


Miklos est l’auteur de quelques céramiques émaillées (et non pas craquelées) qui datent des années 1950. Ce sont des pièces originales et qui n'ont pas été exécutées d’après des œuvres déjà existantes. Les contrefaçons et faux, eux, ont été copiés d’après des sculptures datant de 1927 et 1929.


* L’atelier d’art Primavera des grands magasins du Printemps, était l’un d’eux. Une discrète exposition se tient à Paris au magasin Printemps Haussmann jusqu’en septembre 2023. Elle présente quelques très jolies pièces des années 30.


Contrefaçons et faux : leurs points communs

Les premières ventes aux enchères publiques dans lesquelles nous avons pu identifier les contrefaçons datent de la fin des années 1990. Ces céramiques contrefaites sont toutes de fabrication moderne. Moulées, elles n’ont reçu aucune marque de fabrique, mais certaines portent un « G. Miklos ».


Bon à savoir, une céramique authentique porterait les marques d’usage et au minimum le cachet de l’éditeur. Mal copiées ou très mal inspirées des sculptures en bronze créées par Gustave Miklos, ces céramiques sont facilement détectables. Sur ces pièces litigieuses, le soin apporté aux détails est inexistant et la qualité d’exécution très faible.


Pour la contrefaçon en céramique de la Tête de Reine, toutes les versions ont été fabriquées en deux parties, tête et socle, alors que l’original en bronze a été fondu en une seule pièce. Concernant plus précisément les faux de l’Oiseau Siffleur, ils semblent sortir du même moule.


Les céramiques craquelées réalisées d’après un modèle de l’artiste et/ou portant une signature « G. Miklos » sont des faux destinés à tromper les amateurs.


Les choix des contrefacteurs dans le corpus Miklos

Les contrefaçons et faux en céramique de la Tête de Reine, de l’Oiseau Siffleur, de la Jeune Fille, de la Danseuse au Tambourin ainsi qu’une pièce étonnante, apparaissent régulièrement en ventes publiques, tant sur le territoire français qu’à l’étranger.

Les pièces litigieuses examinées ci-dessous ne constituent pas une liste exhaustive. Celle-ci a vocation à être complétée et augmentée au regard de futures découvertes.


1. Contrefaçon de la Tête de Reine, version dorée

Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : Tête de Reine en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. 1929. H : 70 cm. Photographie ancienne © Archives Miklos. À droite : Contrefaçon moderne en céramique dorée craquelée proposée à 18.000 € sur une plateforme marchande depuis 2020. H : 59 cm © D.R.

Cette contrefaçon moderne en céramique dorée haute de 59 cm reprend de nombreux aspects généraux de l’original titré Tête de Reine, fondu en un exemplaire unique de bronze qui mesure 70 cm. L’examen attentif de la photographie de la contrefaçon face à celle de l’authentique permet de s’adonner au jeu des 7 erreurs.


Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : L’authentique © Archives Miklos. À droite : La contrefaçon (© D.R.). On observe aisément que l’ornement et la chevelure de la contrefaçon ne reprennent pas les détails de la pièce originale. De même que le dessin, les éléments du visage et le placement de la tête n’ont pas été compris par le contrefacteur. À noter que, contrairement à la tête de l’original qui ne forme qu’un avec son socle, la céramique a été fabriquée en deux parties.

Sur la contrefaçon, les transitions entre les éléments du visage, de la couronne ou de la chevelure ne sont pas fidèles à l’original. Autres erreurs, le mouvement de la tête ainsi que la forme du socle n’ont pas été reproduits. En comparant l’original et la contrefaçon, ci-dessus et ci-dessous, on notera sur l’original le délicat placement de la chevelure qui suit la pente du socle. On ne le retrouve pas sur la contrefaçon : tête et socle ont été fabriqués en deux parties.


Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : L’authentique © Archives Miklos. À droite : La contrefaçon © D.R.. Il est facile de voir que le contrefacteur n’a pas eu accès à l’original ni à un document qui lui aurait permis de comprendre comment Gustave Miklos avait traité l’arrière de la figure : sur la contrefaçon, le couronnement a été basculé à l’arrière de la tête au lieu d’être positionné en haut. On constate que la forme du crâne de la contrefaçon a été aplatie et que les détails de la chevelure ont disparu. Enfin, la longueur des cheveux qui se poursuivait sur le socle du bronze n’a pas été reproduite sur la céramique litigieuse. Cette énumération de différences n’est pas exhaustive.

Sans une observation attentive, l’amateur se laisserait charmer par l’émail doré qui donne à la contrefaçon un aspect décoratif, flatteur et séduisant. Cette version était mise en vente sur un site internet marchand comme « attribué à Gustave Miklos ». Depuis, la mention a été changée pour « dans le goût de ». Le prix injustifié n’a pas été modifié en rapport et reste fixé à 18.000 €. Un tel montant contribue à induire le potentiel acheteur en erreur, laissant penser qu’à ce prix, il investirait dans une œuvre authentique de Gustave Miklos.


  1. Signification de « attribué à Gustave Miklos » : un vendeur engage sa responsabilité, « l’emploi du terme attribué à suivi d’un nom d’artiste garantit que l’œuvre ou l’objet a été exécuté pendant la période de production de l’artiste mentionné et que des présomptions sérieuses désignent celui-ci comme l’auteur vraisemblable » (décret Marcus du 3 mars 1981, art. 4).

  2. Signification de « d’après Gustave Miklos » : même si mention génère un biais psychologique chez l'acquéreur, en ce qu'elle crée un lien entre l'artiste et une œuvre qui n'est pas de lui, elle ne confère aucune garantie que l’objet ou l’œuvre soit de l’artiste (décret Marcus du 3 mars 1981, art. 7). L'amateur intéressé ne doit donc prendre aucun risque et ne pas acheter.


2. Contrefaçon de la Tête de Reine, version blanche


Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : Tête de Reine en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. 1929. H : 70 cm. Photographie ancienne © Archives Miklos. À droite : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée. H : 59 cm © D.R.

Ces contrefaçons modernes en céramique blanche craquelée sont apparues plusieurs fois en salles des ventes depuis 2009. Elles sont hautes d’environ 60 cm socle compris et ne comportent pas de signature ou de marque. Ces versions reproduisent les mêmes erreurs décrites précédemment sur la pièce dorée. Les commissaires-priseurs français conservent une grande prudence en les décrivant « d’après Gustave Miklos » et en les estimant faiblement. Dorées ou blanches, craquelées ou non, ces céramiques, mauvaises copies de la Tête de Reine en bronze de Gustave Miklos sont toutes des contrefaçons.


À gauche : Tête de Reine en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. 1929. H : 70 cm © Champin Lombrail Gautier. Au centre : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée vendue 2.800 € en 2012 © D.R. À droite : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée vendue 2.000 € en 2021 © D.R.

En 2012, une version sans socle, estimée entre 100 et 200 €, a été vendue 2.800 € au marteau à un acheteur confiant et téméraire. En 2020, une autre version haute de 58 cm avait été proposée à une estimation de 300 € et est restée invendue, mais un second passage en vente en 2021 lui a été plus fructueux : adjugée 2.000 €. La valeur de ce genre de contrefaçon ne dépasse pas en réalité 50 €.


À l’étranger, que ce soit dans une salle de vente allemande (2018) ou dans une galerie de Los Angeles (2021), la vente de ce type de craquelé se fait sans aucune réserve et parfois à des prix importants, alors qu’il ne s’agit pas d’œuvres authentiques de Gustave Miklos.


À gauche : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée cataloguée dans une vente publique allemande en 2018 © D.R. À droite : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée vue sur un site marchand américain en 2021 © D.R.

3. Faux de l’Oiseau Siffleur


Comparaison entre un vrai bronze d'artiste et une contrefaçon d'après le modèle de l'artiste
À gauche : Oiseau Siffleur en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. H : 83 cm © Christie’s Paris. À droite : Faux moderne en céramique craquelée. H : 37 cm © D.R.

Ce drôle d’oiseau a une fâcheuse tendance à se reproduire vite et migre aux quatre coins de la planète pour se nicher dans les salles de ventes aux États-Unis (1998), en Australie (1999), en Suisse (2006), en Allemagne (2006 puis en 2010), au Japon (2017), et en Grande-Bretagne (2023).


Faux modernes en céramique craquelée de l’Oiseau Siffleur. H : 37 cm. De gauche à droite : cataloguées en ventes publiques aux États-Unis, Australie, Suisse, Allemagne, Japon et Grande-Bretagne © D.R.

Dans chaque fiche descriptive, les mêmes éléments sont repris : une céramique craquelée verte ou blanche, d’une hauteur de 37 cm environ, portant la signature « G. Miklos ». Ces pièces sont donc vendues comme étant de l’artiste. La présence d’une signature posée par le faussaire est destinée à tromper sciemment l’enchérisseur non informé. Ce faux reprend un modèle en bronze unique d’une hauteur de 83 cm et fondu du vivant de l’artiste.


L’aspect des contrefaçons est visuellement déplorable : l’émail amollit considérablement les détails auxquels Miklos attachait une grande importance pour ses œuvres authentiques. De nombreux détails de l’original n’apparaissent pas sur les faux, ne respectant pas la taille nerveuse de Gustave Miklos. Le bec semble avoir fondu, les plumes stylisées sur la nuque ont disparu, les ailes forment un accordéon sans subtilité, la queue n’a aucune forme ni relief. Erreur fatale pour repérer ces faux : les deux pattes stylisées du bronze authentique se sont métamorphosées en une protubérance unique. Quand le faussaire ne sait pas, il invente.


Ci-dessous, une contrefaçon repérée sur une célèbre « marketplace d’art » en février 2023. Sa fiche le décrit comme étant de Gustave Miklos et « rare épreuve non signée » [sic].


Contrefaçon moderne
Contrefaçon moderne signalée comme non signée, prise sous différents angles, vue sur une célèbre marketplace d’art en 2023 © D.R.

Décryptage de la fiche d’un faux "Oiseau Siffleur" mis en vente sur une plateforme online

Une photographie ancienne reproduite en regard de la pièce cataloguée n’est absolument pas un gage d’authenticité de l’objet à vendre.


Preuve en est ci-dessous avec ce faux de l’Oiseau siffleur mis en vente sur une plateforme qui se décrit comme une « communauté en ligne de collectionneurs ».


Le vendeur a utilisé une photographie ancienne qui représente l’artiste dans son atelier avec des sculptures dont celle de l’Oiseau Siffleur, ceci dans le but de mieux vendre. Cette sculpture d'époque reproduite n'est bien sûr pas cette fausse pièce en céramique de fabrication moderne.


Rajoutons que cet oiseau de malheur porte sous sa base une étiquette partiellement arrachée « Gustav Miklos [puis un mot illisible] 1929 ». Est-ce une volonté d’ajouter à la supercherie ? Cette seule présence suffit à suggérer à l’enchérisseur peu informé que cette céramique pourrait bien être ancienne.


En résumé sur cette céramique : pièce ressemblant à… + photographie ancienne + étiquette malmenée + signature estampée riment avec faux pour l'Oiseau Siffleur.


Faux moderne en céramique présentée avec la reproduction d’une photographie de l’artiste dans son atelier © D.R.

Il est indispensable de savoir que les spécialistes, auto-qualifiés d’« experts » présents sur des plateformes d’enchères en ligne, ne donnent qu’un simple avis sur photographie qui ne les engage absolument pas sur l’authenticité de l’objet. Ils n’en sont pas juridiquement responsables. Dans la quasi totalité des cas, ils n’auront jamais les pièces entre les mains avant la mise en vente.


Il ne faut pas confondre l’expert indépendant agréé par une chambre professionnelle française et le soit-disant « expert » employé par une plateforme en ligne (en général basée hors de France). L’expert agréé par une chambre professionnelle d’experts d’art est soumis à des obligations exigeantes protectrices du consommateur. L' « expert en ligne » est avant tout un commercial n’ayant aucun devoir de compétences et dont le rôle n'est que de donner un semblant de crédibilité à la plateforme.


4. Contrefaçon de la Jeune Fille


Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : Jeune Fille en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. 1927. Photographie d’époque © Archives Miklos. À droite : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée © D.R.

La vulgarité d’exécution de cette contrefaçon de 71 cm saute heureusement aux yeux des commissaires-priseurs français qui ne l’attribuent pas au sculpteur, mais la signalent quand même « d’après Gustave Miklos ».


Si cette chose reprend de très loin la Jeune Fille de l’artiste hongrois aux proportions savamment réfléchies et haute de 120 cm, elle n’en est qu’un très grossier pastiche. Le nom de Gustave Miklos n’est accolé à la contrefaçon que pour la rendre plus commerciale. Sans rapprochement avec l'artiste, cette pièce moderne n’aurait même pas les honneurs d’un catalogue de vente.


Contrefaçons/pastiches modernes en céramique craquelée cataloguées en ventes publiques. De gauche à droite : A (2012), B (2013), C (2014), D (2021) et E (2001) © toutes D.R.

La fiche descriptive de la contrefaçon « A » reproduite ci-dessus et cataloguée en 2012 avançait une estimation faible de 100 à 200 € pour un « d’après Gustave Miklos ». Cette prudente mention et la faible estimation sont le signe évident que le commissaire-priseur n’était pas dupe. La pièce n’a pas trouvé d’acquéreur.


Une autre société de ventes en 2013 s’est montrée beaucoup plus optimiste en donnant une estimation de 1.500 à 2.000 € pour la pièce « B », toujours accompagnée d'un prudent rapprochement au nom de l'artiste. Ce commissaire-priseur n’avait manifestement pas pris connaissance du résultat négatif de l’année précédente.


Une autre maison de ventes se montrait tout aussi téméraire en 2014 avec la même estimation pour la céramique « C ». À chaque fois, ces trois pièces ont été ravalées, c’est-à-dire invendues (à moins qu’il ne s’agisse de la même). À Drouot en 2021, une contrefaçon « D » apparaissait avec un petit socle en marbre. Proposée à 1.000-1.200 €, mais non adjugée.


En 2001, une société de ventes aux enchères belge avait adjugé 1.363 € une contrefaçon noire, la « E », présentée comme étant « de Gustave Miklos ». Signalons que l’acheteur abusé et averti aurait pu se faire rembourser son achat au vu de la rédaction de la fiche au titre de l’erreur sur la substance.


5. Contrefaçon de la Danseuse au Tambourin

Sculpture en bronze original ancien et une contrefaçon moderne
À gauche : Danseuse au Tambourin en bronze, fonte unique et authentique de Gustave Miklos. 1929. H : 111 cm. Photographie ancienne © Archives Miklos. À droite : Contrefaçon moderne en céramique blanche craquelée non vendue en 2006. H : 96,5 cm © D.R. via Artprice

Nous n’avons identifié qu’une seule vente publique ayant catalogué en 2006 cette contrefaçon en céramique blanche craquelée, donnée imprudemment à Gustave Miklos. La maison de ventes allemande l’avait estimée 3.800 €. La fiche précisait que l’objet n’était pas signé et ne mentionnait aucun cachet d’éditeur. Il est heureusement resté invendu. Avec ses 96,5 cm de haut, ce craquelé semblait vouloir rivaliser, ridiculeusement, avec la sculpture originale en bronze qui, elle, mesure 111 cm.


En examinant les deux photos ci-dessous, l’original et sa contrefaçon, nous pouvons encore jouer aux 7 erreurs. Le contrefacteur ayant probablement estimé que le visage du bronze authentique manquait de détails, puisqu'il a interprété yeux, nez et bouche. Il a ôté d’autres éléments, incompris ou trop difficiles à reproduire. On appréciera notamment la jolie coupe au carré de la contrefaçon.


À gauche : Danseuse au Tambourin en bronze de Gustave Miklos © Archives Miklos. À droite : Visage « modifié » sur la contrefaçon moderne en céramique © D.R. via Artprice

6. Pièces étonnantes : Figure(s) anonyme(s) devenues « myklosiennes »


Portes anciennes sculptées de deux figures féminines hiératiques et leurs contrefaçons modernes
À gauche : Anonyme, portes en bois laqué et sculpté. Vers 1930. Ancienne collection Marcilhac © Sotheby’s Paris. À droite : Versions modernes en céramique dorée © D.R.

Il ne s’agit pas de contrefaçons d’œuvres originales de Gustave Miklos, mais elles sont souvent rapprochées au style du sculpteur par les professionnels. Ces pastiches font penser à certains qu’ils sont de Miklos ou bien dans le goût de Miklos. En réalité, ces céramiques dorées copient des figures sculptées en relief sur des portes laquées Art Déco ayant appartenu à la collection Marcilhac et dont l’auteur n’a jamais été identifié. Selon les catalogues, les versions en céramique dorée sont hautes de 102 à 105 cm et ne portent aucune marque, ce qui devrait encore une fois poser question aux sachants.


Céramiques modernes assimilées au style de Gustave Miklos. De gauche à droite : "A" vendue 3.400 € en 2016 en Allemagne © D.R. "B" non vendue en 2019 et 2020 en France © D.R. "C" vendue 1.200 € en Allemagne 2019 © D.R. "D" adjugées en 2021 pour 2.500 €, vendues comme « époque Art Déco » en France © D.R.

S’agissant de la version « A » reproduite ci-dessus, une maison de ventes aux enchères allemande semble avoir été la première à l’avoir rapprochée du style de Gustave Miklos. C’était en 2016, mais sans l’attribuer formellement ni avancer d’arguments venant étayer son affirmation. Elle l’a décrite comme une édition de 1960 et vendue tout de même 3.400 € sur une estimation de 1.500 €.


En 2019, le même modèle « B » apparaissait en France, mais cette fois-ci proposé, sans aucune réserve, comme étant de Gustave Miklos, pour une estimation « salée » de 3.000 à 5.000 €. Non vendue, elle était de nouveau proposée aux enchères l’année suivante. Une nouvelle fois, les amateurs sont restés dubitatifs et elle est restée sur le carreau.


Une autre version dorée « C » avec, cette fois-ci des bandes laissées en réserve, a été adjugée pour 1.200 € en Allemagne en 2019 avec encore un rapprochement à Gustave Miklos.


Enfin, en 2021, un commissaire-priseur français a catalogué une version différente, la « D », avec cette fois-ci la seconde figure représentée sur les portes anonymes ayant servi de modèle. La prudence est cependant conservée puisque la fiche indiquait « dans le goût de Gustave Miklos », mais précisait tout de même « époque Art Déco », alors qu’il s’agit d’une création moderne. Adjugée 2.500 € marteau sur une estimation de 400 à 600 €, cela reste beaucoup trop cher pour du neuf…


Enfin, sans rapport avec les céramiques, mais en lien avec le sujet des deux portes laquées, nous saisissons cette occasion pour évoquer ce bas-relief en laque reproduit ci-dessus. Figurant le buste d’un des deux personnages des portes laquées, il nous a été présenté pour avis par un professionnel à qui il a été soumis en 2022 comme une collaboration Dunand-Miklos. Il ne s’agit pas d’un panneau sculpté par l’atelier du célèbre laqueur Art Déco, ni d’une collaboration avec Gustave Miklos, ni encore d’une œuvre ancienne anonyme sur laquelle le nom de Dunand a été rapporté. Ce bas-relief est de fabrication récente. La présence de la fausse signature « Jean Dunand » est destinée à tromper les amateurs d’Art Déco qui pourraient croire acquérir une œuvre authentique et d’époque.


Pièce contemporaine laquée portant une fausse signature « Jean Dunand » © D.R.

Contrefaçons et faux : le rôle du Comité Gustave Miklos


Depuis ces trente dernières années, on peut tout à fait concevoir que, par légèreté ou par manque d’informations, les professionnels du marché de l’art cataloguaient ce genre de pièces en leur accolant le nom de Gustave Miklos, mais sans autre certitude que leur intime conviction. Ils n’ignoraient cependant pas qu’en citant l’artiste, même en respectant les obligations du décret Marcus, ils influençaient l’amateur peu renseigné chez qui la tentation d’achat ou la prise de risque peut être plus forte que le recul critique.


Espérons, à l’avenir, plus de rigueur dans la rédaction des fiches descriptives des pièces autrefois identifiées de près ou de loin comme un travail de l’artiste. Afin de ne plus créer de confusion dans l’esprit des acheteurs, les professionnels de vente ne devraient pas accoler le nom de Gustave Miklos à des pièces douteuses même précédé des mentions « d’après » ou « dans le goût de ». La création d’un lien écrit, même légal et prudent selon les termes du décret Marcus, entre le nom de l’artiste et une contrefaçon ou un faux, est une atteinte au droit moral de l’artiste. Ce rapprochement fallacieux est une offense à la continuelle exigence de Gustave Miklos dans ses recherches plastiques.


Devant la prolifération des pièces douteuses amalgamées au travail de Gustave Miklos, nous recommandons aux professionnels et particuliers de nous consulter sur les pièces en leur possession afin de déterminer leur authenticité.


Le Comité Gustave Miklos, garant du droit moral de l’artiste, invite les professionnels et les particuliers à se mettre en relation avec lui pour toute question relative à l’œuvre de l’artiste : informations, avis gracieux, certificats d’authenticité.


Auteur :

Alexandra Jaffré, historienne de l’art, expert Art Déco, membre de la Compagnie des Experts en Art et AntiquitésSecrétaire générale du Comité Gustave Miklos.


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NdA : Nous indiquons intentionnellement sous les photographies la mention © D.R. pour préserver l’anonymat des professionnels de vente. S’ils souhaitent que leur nom, ou celui du photographe, apparaisse pour respecter leur droit d’auteur, nous les invitons à nous contacter pour les rectifications nécessaires.

NdA : Cet article a été rédigé en l’état actuel de nos connaissances et de nos recherches. Il est susceptible d’être ultérieurement modifié.

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