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Alexandra Jaffré

Tous les certificats d’authenticité sont-ils une garantie d’authenticité ?


Certificat d'authenticité

« On peut vraisemblablement attribuer cette paire de meubles à Gustave Miklos »...

Voici ce que nous avons lu sur un document intitulé « certificat d'authenticité » qui nous a été transmis.

L'utilisation de l'expression « on peut vraisemblablement attribuer... » ne tranche pas sur l'authenticité.


Mais alors quelle valeur doit-on accorder à un certificat d’authenticité qui ne tranche pas sur l’authenticité ? Quelle est la responsabilité de son rédacteur en cas de contestation ?

Avant tout, le collectionneur doit exercer son esprit critique et garder de bons réflexes.


Quels réflexes doit-on avoir à la lecture d’un certificat d’authenticité ? 


Premier réflexe

Il convient de se diriger vers des acteurs du marché de l'art réputés de confiance (experts indépendants, chambres d’experts professionnels, commissaires-priseurs, sachants) afin de se renseigner sur l'éthique et la déontologie du rédacteur, et s’assurer de sa légitimité incontestable à se prononcer sur le sujet.


Si l’auteur du certificat est aussi le propriétaire de l’œuvre, il est alors impératif de faire appel à un sachant indépendant dégagé de tout conflit d’intérêt.


Lorsque les comités d’artistes, composés de différents sachants et professionnels, existent, c’est à eux que revient la responsabilité de rédiger les certificats d’authenticité. Leurs avis s'appuient sur des archives documentaires et une connaissance très précise de l'artiste et de sa vie. Leur rôle est de veiller avant tout à la transparence et à la sécurisation du marché de l'art.


Second réflexe

Il faut accorder son attention sur la présentation du document et le choix des mots utilisés dans sa rédaction. 

Si la présentation est ostentatoire, on doit redoubler d'attention.

L’utilisation de certains mots, d’un phrasé alambiqué et complexe, d'expressions contradictoires masque des intentions troubles pour le moins. Une rédaction tendancieuse peut ôter à leur auteur toute responsabilité en cas de contestation. Ce qui revient pour lui à ne rien garantir.


Quelle valeur accorder à un certificat d’authenticité qui « attribue » une œuvre à un artiste ?

Aucune ! ... surtout quand la lecture du « certificat d’authenticité » que nous avons entre les mains nous apprend que « l'examen de cette paire de meubles et l'état actuel des connaissances permettent de garantir qu'il existe des présomptions sérieuses pour que l'œuvre soit vraisemblablement conçue par Gustave Miklos ». Pour son rédacteur, ces meubles sont seulement attribués à Gustave Miklos, et ne sont pas de Gustave Miklos.


Ces mots et expressions, sortis de leur contexte, paraphrasent et détournent l’article 4 du décret Marcus de 1981 dans sa définition de « attribué à ». Cette expression « suivie d'un nom d'artiste garantit que l'œuvre ou l'objet a été exécuté pendant la période de production de l'artiste mentionné et que des présomptions sérieuses désignent celui-ci comme l'auteur vraisemblable ».


Le décret Marcus indique clairement les mentions que doivent comporter une facture de vente, la fiche descriptive d’un catalogue de vente publique et un bordereau d’adjudication. Contrairement à ce qui est dit sur certains sites internet, ce décret ne s'applique pas à la rédaction des certificats d'authenticité.


Sur ce (pseudo) certificat d'authenticité qui attribue une paire de meubles à Miklos, son rédacteur s'est servi des termes de l’article 4 du décret Marcus, comme de la poudre aux yeux, pour laisser croire à l’acheteur des meubles décrits qu'ils sont « presque authentiques ». Ainsi, en cas de contestation ultérieure, le rédacteur se sera ménagé une porte de sortie pour échapper à sa responsabilité juridique. 


Nous pouvons légitimement nous interroger, au mieux sur le degré de compétence du rédacteur de ce pseudo certificat, au pire sur ses motivations cachées. 


Ce document qui usurpe l'expression « certificat d’authenticité » est tout, sauf ce que doit être un vrai certificat d’authenticité dont l’existence, destinée à rassurer le marché, peut changer radicalement la valeur financière de l’objet concerné. 


Qu’est-ce qu’un certificat d’authenticité ?

Un certificat d'authenticité est destiné à garantir les qualités fondamentales d'une œuvre d'art ou un objet d’art en des termes simples, clairs et affirmatifs. Il certifie :


  • le nom de l'artiste s’il est assurément identifié,

  • la date ou l’époque, la matière,

  • l’état de conservation,

  • les dimensions

  • et éventuellement toutes précisions justifiant, encore une fois assurément, ces affirmations.


Il engage durablement la responsabilité de son rédacteur qui est le plus souvent un sachant spécialisé dans le domaine concerné et dont les connaissances et l'expérience sont reconnues par ses pairs. Ce que confirme la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 23 novembre 2022, « toute personne [peut] émettre un avis [sur l’authenticité d’une œuvre] à condition d’en avoir les compétences et que ces compétences soient reconnues sur le marché de l’art ».


Aucun expert d’art digne de ce nom ne s'aventurerait à écrire un document officiel, où il affirmerait être « sûr, mais pas complètement tout de même » que « l'artiste est vraisemblablement l’auteur » de l'objet « expertisé » (mais non authentifié). 


S'il n'a pas de certitude absolue, un (vrai) expert d'art ne rédigera tout simplement pas de certificat et n'émettra, tout au plus, qu'un simple avis. 


Dans la pratique expertale, on peut résumer à « pas de certitude = pas de certificat ».


Auteur :

Alexandra Jaffré, historienne de l’art, expert Art Déco, membre de la Compagnie des Experts en Art et Antiquités, Secrétaire générale du Comité Gustave Miklos.

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