De fausses fontes circulent en ventes publiques... Découvrez notre étude comparative entre la sculpture authentique et les faux.
Le Comité Gustave Miklos défend le droit moral de l’artiste, son intégrité et assure le respect de l’œuvre de Gustave Miklos. Il informe gracieusement les professionnels et particuliers sur le caractère authentique ou non des œuvres de Gustave Miklos et délivre les certificats d’authenticité. Il est habilité à utiliser la procédure de saisie-contrefaçon lorsqu’il a connaissance d’une atteinte au droit moral de l’artiste.
Pour mémoire > un pastiche désigne une œuvre littéraire ou artistique dans laquelle on imite le style, la manière d’un écrivain, d’un artiste soit dans l’intention de tromper, soit dans une intention satirique (source). > une contrefaçon vise tout acte portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle (droits patrimoniaux et droit moral) d’un auteur (source). > un faux consiste en l’imitation ou la substitution frauduleuse de la signature ou du signe distinctif d’un artiste sur une œuvre d’art (source).
Des pastiches en bronze circulent sur le marché de l’art
Fondue en 1929, la sculpture Tête de Reine est représentative des recherches stylistiques de Gustave Miklos sur la sérénité des formes hiératiques. Le collectionneur Laurent Monnier, directeur des fonderies industrielles jurassiennes Baudin, charmé par cette œuvre, fut le premier à l’acquérir. Quelques dix ans plus tard, l’actrice Ginger Rogers posait en couverture d’un célèbre magazine à côté d’une pâle copie. Il s’agissait du premier pastiche exécuté d’après la Tête de Reine.
Depuis la fin des années 1990, d’autres pastiches tous identiques d’après la Tête de Reine sont apparus sur le marché. Notre étude comparative, illustrée de nombreuses photographies, entre l’œuvre authentique et les faux permet de les identifier immédiatement. Parmi ceux-ci, deux faux Miklos ayant circulé sur le marché de l’art comportent de fausses marques destinées à tromper l’acheteur. Nous les avons photographiés et analysés. Il existe également un cas particulier, un autre exemplaire qui ne porte ni signature ni marques, mais qui sort aussi du même moule de fonderie. Tous ces bronzes sont des pastiches modernes, posthumes et illégaux, destinés à tromper l'amateur d'art, et n’ont aucune valeur financière sur le marché.
Des pastiches de la Tête de Reine existent également en céramique blanche craquelée ou dorée. Nous leur avons consacré une étude détaillée avec de nombreuses photographies comparatives.
Une rapide comparaison lève instantanément le doute
Ces bronzes litigieux ne sont pas stricto sensu des faux difficilement détectables, puisque l’original est haut de 65 cm alors que les premiers mesurent au moins 10 cm de plus. L’utilisation du plâtre d’origine ou la fabrication d’un surmoulage est donc écartée de fait. Une rapide comparaison visuelle entre l’original et sa mauvaise imitation permet d’exclure définitivement le doute quant à l’existence d’ « une autre version » qu’aurait pu réaliser Gustave Miklos. Ces pastiches ont été fabriqués pour tromper délibérément l'amateur d'art qui penserait faire un investissement.
Gustave Miklos a traité les lignes du nez, des yeux et de la bouche de son œuvre avec une grande attention portée aux transitions. Le visage de l’imitation n’est que lourdeurs, incompréhensions, maladresses et faiblesses qui démontrent que le faussaire n’a ni eu accès à l’original, ni à de bonnes photographies de l’authentique Tête de Reine.
De profil, les différences sont tout aussi flagrantes. La sculpture de Gustave Miklos présente un mouvement naturel vers l’avant, tandis que la tête du pastiche est fichée droite dans son socle. La forme ronde du crâne de la vraie Tête de Reine a disparu sur le faux bronze. Une comparaison sur photos permet de constater que les lignes des deux profils n’ont rien de similaires.
La complexité des ornements posés sur la chevelure n’a pas été comprise du pasticheur qui les a transformés en de larges formes concentriques se poursuivant sur la partie arrière de la tête. Il a aussi inventé un cercle pour simuler le maintien du couronnement.
Miklos a sculpté un socle à pans coupés avec un décrochement à la partie avant gauche. À l’arrière, la chevelure stylisée de sa Tête de Reine se poursuit sur l’inclinaison du socle. Par contre, sur le faux, les cheveux tombent à la verticale pour s’arrêter juste au dessus d’un socle devenu cubique et sans rigueur dans le traitement de ses lignes. Pour finir, la sculpture de Miklos repose sur une base en marbre rapportée, tandis que la tête, le socle et la base ont été fondus en un seul élément.
Sur l’exemplaire moderne que nous avons examiné, des défauts d’exécution, notamment des trous, piqûres, rayures inexpliquées, signalent une fonte de médiocre qualité et à la patine réalisée sans soin. Gustave Miklos supervisait lui-même l’exécution de ses bronzes et se chargeait personnellement de la ciselure et de la patine. Ce pastiche est évidemment destiné à tromper ceux qui ne connaissent pas l’original.
Des pièces litigieuses, avec et sans marque
Des pastiches litigieux circulent sur le marché des ventes aux enchères depuis la fin des années 1990, certains avec marques et un autre identique, mais sans marques.
1. De faux bronzes portant fausse signature G. Miklos et de fausses marques
Des Têtes de Reine illégales portent une fausse signature « G. Miklos », avec un faux numéro de tirage et un cachet « Valsuani cire perdue » contrefait. Nous en avons identifié deux en circulation sur le marché de l’art : un numéro 3/4 catalogué en ventes publiques à Drouot en 2021 et un numéro 2/4 en mains privées allemandes en 2023.
La signature « G. Miklos », très faiblement incisée, n’est pas l’une de celles que l’artiste utilisait sur ses œuvres sculptées, malgré une tentative de l’imiter. Le trait sous la signature n’a jamais été vu sur d’autres bronzes authentiques de l’artiste hongrois.
La présence d’un cachet « Valsuani cire perdue » interroge. Qui a exécuté ces fontes ? La fermeture de la fonderie Valsuani en 2016 ne nous a pas permis d’enquêter. L'aspect pâteux et quasi illisible du cachet nous permettent de déduire que le nom et la marque Valsuani ont été usurpés.
L’utilisation du nom de Gustave Miklos sous forme d'une signature, d’une marque de fondeur contrefaite et d’un numéro de tirage démontre que le faussaire-pasticheur a eu l’intention délibérée de tromper pour faire croire que ses fontes étaient authentiques, ou pour le moins, des tirages posthumes autorisés par l’artiste ou ses ayants droit. Ceci dans l’unique but d’en obtenir un prix conséquent sur le marché de l’art.
Le pastiche Baugniet, une pièce litigieuse sans signature ni marques
Une autre pièce sans signature, ni marque de fonderie, ni numéro de tirage, est passée en ventes publiques à plusieurs reprises entre 1999 et 2018. Ce bronze appartenait à la collection du peintre et décorateur belge Marcel-Louis Baugniet. L’absence de marque de fondeur est questionnante puisque les grandes fonderies d’art du XXe siècle apposaient leur cachet pour distinguer leur production artistique.
Ce bronze était apparu la première fois en 1999 à Drouot, catalogué entre 250.000 de 300.000 F, soit 38.000 à 45.000 € environ. Le commissaire-priseur et son expert ne s’étaient cependant pas prononcés sur leur certitude que l’œuvre était bel et bien de Miklos, probablement en raison de l’absence de signature. Néanmoins, la rédaction de la fiche pouvait enjoindre les enchérisseurs à une quasi-certitude : « attribué à Gustave Miklos, circa 1929, fonte d’époque, haut de 76 cm », que venait compléter une provenance rassurante.
La provenance peut-elle être considérée comme un gage d’authenticité ? Même rédigée de bonne foi, la fiche de 1999 était de nature à créer un biais psychologique pour les enchérisseurs : « Ancienne collection du peintre et décorateur Marcel-Louis Baugniet, confirmé par attestation écrite de son gendre, accompagnée d’une photo ancienne montrant l’artiste dans son bureau où figure l’œuvre ». L’intéressé potentiel pouvait donc se rassurer en se disant qu’un bronze, bien qu'attribué, appartenant à la collection d’un peintre âgé, ne pouvait être qu’authentique, même si la signature était manquante, d’autant plus qu’il était décrit comme « fonte d’époque ». Or, ces documents justificatifs ne mentionnent nullement que le bronze est bien de Miklos, mais seulement qu’il appartenait à Baugniet. Une sculpture en possession d’un vieil artiste ne signifie ni acquisition ancienne ni authenticité de l’œuvre. Tous les scénarios sont envisageables, comme un mauvais achat par le peintre peu avant son décès en 1995.
Le bronze litigieux était resté invendu. Il avait été ensuite catalogué à Londres en 2001, mais cette fois-ci comme étant, sans aucune réserve, donné à Gustave Miklos. Il avait été encore une fois ravalé. Finalement, le pastiche Baugniet est réapparu en 2018 à Paris et a finalement été adjugé à 16.000 € hors frais, sur une estimation de 3.000 à 5.000 €. Une adjudication bien trop élevée pour une imitation médiocre et illégale, contrevenant au droit moral de l'artiste.
L’acquéreur de 2018 pourrait-il obtenir l’annulation de la vente ? Il ne peut arguer de l’erreur sur sa certitude d’avoir acheté une œuvre de Gustave Miklos, puisque celle-ci n’avait pas été garantie par le commissaire-priseur. Ce dernier avait effectivement indiqué très prudemment « dans le goût de Gustave Miklos » (décret Marcus du 3 mars 1981, art. 7). Le nouveau propriétaire pourrait cependant demander l’annulation de la vente au titre de l’erreur sur la substance portant sur la période d’exécution, puisque le professionnel s’était engagé sur la date de « circa 1929 » [sic]. Encore faut-il que l’acheteur apporte la preuve qu’il avait l’intention d’acquérir une fonte d’époque et qu’il avance des arguments convaincants. Dans le cadre de la vente publique, l’annulation ne peut cependant être réclamée que dans les délais stricts de prescription de 5 ans à compter de la date de vente, pour que le commissaire-priseur puisse être appelé en garantie.
Nous avons repéré un bronze identique sans mention de signature ou de marques, mais présenté tout de même sans réserve au nom de l’artiste Gustave Miklos dans une salle des ventes à Bruxelles fin 2001. Estimé 10.000€, il n’avait fort heureusement pas été vendu. Un an plus tard en 2002, un exemplaire similaire avait été catalogué à Nancy comme « attribué à Gustave Miklos ». Nous n’avons pas pu accéder à leurs fiches descriptives complètes, mais nous pensons qu’il s’agit du même bronze Baugniet qui a voyagé de Paris à Londres, puis de Bruxelles à Nancy pour être vendu à Paris, 19 ans après sa première apparition sur le marché.
Méfiance ! Toutes ces fontes sont destinées à tromper
Constitué en juin 2021, le Comité Gustave Miklos n’a pu intervenir pour faire retirer ces faux ou pastiches d’après Gustave Miklos. Aujourd’hui, nous nous mettons directement en rapport avec les professionnels de l’art. Nous agissons au titre du droit moral de l’artiste, mais aussi en vue de protéger l’amateur d’art.
Nous recommandons aux professionnels et aux particuliers de nous écrire directement pour nous soumettre les pièces en leur possession afin d’en déterminer l’authenticité. Le Comité Gustave Miklos invite les professionnels et les particuliers à se mettre en relation avec lui pour toute question relative à l’œuvre de l’artiste : informations, avis, certificats d’authenticité.
Auteur :
Alexandra Jaffré, historienne de l’art, expert Art Déco, membre de la Compagnie des Experts d’Art, Secrétaire générale du Comité Gustave Miklos.
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NdA : Cet article a été rédigé en l’état actuel de nos recherches et de nos connaissances. Il sera susceptible d’être augmenté ou corrigé en fonction de futures découvertes.
NdA : Nous indiquons intentionnellement sous les photographies la mention © D.R. pour préserver l’anonymat des professionnels de vente. S’ils souhaitent que leur nom, ou celui du photographe, apparaisse pour respecter leur droit d’auteur, nous les invitons à nous contacter pour les rectifications nécessaires.
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